Qhuit, et l’alcool coule à flow

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Le cri.

Le collectif Qhuit et la ville de Rennes sont peut être les deux choses les plus folles que je connaisse, après la discographie de Gérard Palaprat et les Funky Saturday. En attendant la fin du mois ou la fin du monde, je vous emmène à Rennes. Pour une soirée Qhuit.



Fin du mois de juin, coup de fil. Une soirée Qhuit à Rennes? J’arrive. L’affiche est alléchante, d’autant plus que ce n’est pas souvent que Baste, Dabaaz et consorts posent leurs valises en province. Et puis, la futur ex-capitale de la Bretagne est réputée pour ses soirées complètement folles. La dernière fois que j’y ai mis les pieds, c’était dans un hôtel, pour l’anniversaire d’un type que je connaissais pas. Il était cinq heures du matin, je dégustais un chili con carne assis entre une moule et Dark Vador.

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La Grande Kermesse, c’est le nom très significatif de l’évènement, c’était à vrai dire un peu plus qu’une soirée puisque dès 14h, la fête battait son plein. A quelques pas du stade de la route de Lorient, celui de l’équipe de football au palmarès vierge, perdue entre des usines d’un autre siècle et des entrepôts désaffectés, une salle de concert: le Jardin Moderne. De l’autre coté de la rue, les locaux d’une association: les agités du bocal. Street Golf, pignons fixes et défilés de modes. Graffiti, exposition de photos et lancer de petits-suisses. Le tout rythmé par les facéties de deux hommes préhistoriques. Haleine de bouc et peaux de moutons. Pieds nus et cheveux sales. Vous avez dit improbable? Bienvenu à Rennes.

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Si si, la famille.

Fin d’après midi, pause. Histoire de laisser au soleil le temps de se coucher tranquillement. Histoire, aussi, de laisser au gens le temps de faire quelques courses. C’est le moment qu’ont choisit les parisiens de Qhuit pour arriver. Ça tombe bien, je les attendais. Un concert sans interview, c’est comme un barbecue sans merguez. Autant rester chez soi. « 21h30, ça te va? » me lance Rhum-G, casquette vissée sur le crâne. Ben ouai. Juste le temps de mater quelques filles qui traînaient par là, posé sur le trottoir, en descendant quelques bières pas chères et pas fraîches.

22h, j’allume le micro. Le collectif vient de finir de manger. Ambiance barbecue. Je me lance.

Un peu plus tard, devant le Jardin Moderne, les fans s’impatientent. L’interview est finie depuis longtemps. Le concert commencera juste avec deux heures de retard. « Hey j’ai croisé Baste dans les loges. Il m’a dit qu’il avait kiffé tes questions», s’enthousiasme mon pote Alexis, déjà bourré. Son collectif, les garnements, s’est occupé de la scénographie. L’interview, je la trouve naze.

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Dehors, la lune est radieuse. Les bières et les rennaises sont de plus en plus chaudes. Dedans, Gero passe derrière les platines et Dabaaz entre en scène. Rapidement, il déverse son flow nonchalant sur un public assoiffé. Ah, pas tous. « Putain, ce type, c’est pas un rappeur » lance un illuminé, qui était sans doute venu juste pour le lancer de petits-suisses. Sans surprises, Dabaaz revisite les classiques du collectif. Ça parle d’alcool et de gueules de bois. C’est pour entendre ça qu’on était venu, de toute façon. « Putain, moi j’ai pas une seule poussée » gémit soudain un grand type à coté de moi. Sancho, pour les intimes. « J’te jure, ce soir, j’me met une balle » poursuit le solide gaillard, la bave aux lèvres. Ambiance.

Sur scène, après avoir fait quelques détours par son répertoire perso, Dabaaz s’éclipse. Notre lanceur de petits-suisses frôle la syncope. Sous ses yeux bientôt révulsés, Gérard Baste déboule et casse la baraque. Le Jardin Moderne prend feu. La vérité, c’est que tout le monde n’attendait que lui. Rien d’officiel, mais Baste est bien le leader du collectif. Ses kilos en trop et sa voix de daron en imposent. Et pourtant, il n’est même pas bourré. Rennes connaît bien ses classiques, et les boit cul sec. Avec des glaçons, tout de même. Les DJs prennent vite le relais. Pone, entre deux siestes, se la joue electro. Netik, multiple champion d’Europe et du Monde, et accessoirement local de l’étape, enchaîne à son tour. Tout le monde kiffe le son. Dommage, plus personne ne s’en souviendra demain.

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Baste est net, Dabaaz est flou et les gens sont contents.

Il est trois heures du matin, j’agite un billet de 5 euros par dessus le comptoir. « Désolé, on n’a plus de bières » me lance le serveur. Tant pis, la soirée se termine bientôt. Dans deux heures. Devant l’entrée, quelques cadavres. Et pas que de bières. « Hey, j’ai ta reum au téléphone » s’amuse Baste, en tendant son portable à l’un d’eux. Pas de réaction. « Gérard, on peut prendre une photo?» tente alors un autre type, qui n’a rien perdu de la scène. Une minute et trois clichés plus tard, l’affaire est pliée. « Putain, ils sont vraiment sympa » constate l’heureux groupie. Effectivement. Dabaaz, qui traînait aussi dans le coin, décide de rentrer dans les loges. Sans pass et sans stress, nous aussi. Ni putes ni cocaïne, on est arrivés trop tard, mais des chips et du rosé dégueulasse. On s’en contentera. Dabaaz se gratte le nez pendant que Baste refait le rap français avec quelques fans. Ambiance fin de soirée.

Cinq heures du matin, la lune s’est cachée. Pas envie de rentrer à pied mais pas le droit de rentrer en voiture. Cruel dilemme. En tout cas la soirée a tenue toute ses promesses. Qhuit a été fidèle à son état d’esprit et Rennes à sa réputation. D’ailleurs, il commence à pleuvoir. J’ai bien fait de rentrer en voiture.

Vincent Desgré

P.S: Quand je disais que l’interview était naze, je blaguais.